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Entrevue avec Diane Gingras, T.M.

06 janvier 2025

Pour bien commencer l’année 2025, nous avons le privilège de partager cette entrevue avec une figure emblématique de la profession de technologiste médical, Diane Gingras, T.M.

Entrevue avec Diane Gingras, T.M.

À l’occasion du Mois de la reconnaissance des technologistes médicaux, souligné en décembre 2024, Diane a atteint un jalon exceptionnel : 50 ans d’adhésion à l’Ordre.

Forte d’une expérience unique et d’une passion intacte, Diane Gingras nous partage les moments forts, les défis et les réflexions qui ont jalonné sa remarquable carrière.

 

Qu’est-ce qui vous a initialement attirée vers la profession de technologiste médical ?

Je voulais travailler dans le domaine de la santé, mais sans être directement auprès des patients. Quand on est venu dans mon école pour présenter la profession, ça m’a tout de suite plu. Participer au diagnostic, être un maillon essentiel dans ce processus, c’était exactement ce que je recherchais.

Cela dit, j’ai un peu déchanté au début : chaque semaine, il fallait sortir "notre bête" du formol pour la disséquer. À ce moment-là, je me suis demandé si j’avais fait le bon choix! Cependant, malgré ces petits désagréments initiaux, plus j’avançais dans ma formation, plus je voulais en apprendre davantage.

Nouvellement graduée, j’ai eu la chance, dès le départ, de faire des gardes de soir et de nuit. J’étais en contact direct avec les médecins, qui prenaient le temps de nous expliquer les cas. Cela me permettait de faire le lien entre les analyses demandées et leur importance pour le diagnostic. C’est là que j’ai compris tout ce que notre travail apportait au patient. Je sentais que je faisais partie d’une équipe multidisciplinaire, unie pour le bien-être du patient.

Aujourd’hui, ma source de motivation réside dans la possibilité d’échanger et de partager mes acquis avec de jeunes technologistes médicaux impliqués et motivés. Voir la même flamme dans leurs yeux que celle qui m’animait à mes débuts me remplit d’espoir pour l’avenir de notre profession. Ce qui me rassure, c’est de constater que derrière chaque analyse, il y a un patient, et que nous avons à cœur son bien-être dans tout ce que nous faisons.

 

Pouvez-vous nous raconter une situation où votre expertise a directement contribué à un diagnostic crucial ou à la prise en charge d’un patient? 

C’était au début de ma carrière, alors que je travaillais en pathologie. Nous avions reçu deux seins, car à cette époque, en cas de suspicion de cancer, il arrivait qu’on enlève les deux seins. Le pathologiste a décrit le cas et mentionné que cette patiente avait peu de chances de survie, le cancer ayant envahi les deux seins. Nous avons préparé des lames et réalisé certaines colorations spéciales pour soutenir le diagnostic. À l’époque, il n’existait pas encore de techniques d’immunohistochimie ni de recherche des ganglions.

Quarante ans plus tard, alors que j’étais en vacances, une dame m’a raconté qu’elle avait eu un cancer dans les années 70. Elle a précisé l’hôpital et mentionné qu’on lui avait enlevé les deux seins. C’était la même patiente. Il est fort probable que le taux de ganglions envahis par le cancer était faible, ce qui signifiait que ses chances de survie étaient excellentes. Cependant, à l’époque, cet élément n’était pas encore pris en compte. La médecine a tellement évolué depuis.

J’ai réalisé qu’avec les outils de l’époque, notre travail avait orienté son diagnostic et son traitement. Cela m’a procuré une immense fierté.

 

Lorsque vous repensez à votre carrière, quels sont les accomplissements ou les aspects de votre travail quotidien qui suscitent le plus de fierté?

En tant que gestionnaire, accompagner de jeunes technologistes médicaux dans le développement de leur potentiel et constater, 20 ans plus tard, qu’ils sont devenus coordonnateurs ou assistants-chefs parce qu’on a cru en eux et qu’on leur a laissé de la place, est une immense satisfaction.

 

Comment percevez-vous l’évolution de la profession de technologiste médical et son rôle dans le système de santé?

Tous les changements technologiques, notamment les tests génétiques et moléculaires, les biomarqueurs et la médecine de précision, représentent des défis auxquels le T.M. est déjà confronté. Cependant, la formation n’est pas toujours au rendez-vous. Il est essentiel de repenser la profession et de se doter des ressources humaines et des outils nécessaires pour mieux performer dans ces nouvelles sphères.

Toutefois, le T.M. doit toujours demeurer maître de sa « machine » et s’assurer que les gestes qu’il pose restent centrés sur l’amélioration continue de la qualité des soins aux patients.

Il y a des opportunités intéressantes, mais aussi des défis qui exigent une formation continue et une capacité d’adaptation rapide. La profession évolue rapidement, et nous sommes de plus en plus impliqués dans les spécialités.

 

Qu’est-ce qui vous apporte le plus de satisfaction dans votre profession, que ce soit sur le plan personnel ou en contribuant au bien-être des patients?

Sur un plan plus personnel, le fait de travailler dans un domaine en constante évolution et de participer à un processus  rigoureux  au sein du Comité d’inspection professionnelle.

De pouvoir  partager et échanger lors des visites d’inspection et de voir tous les changements réalisés  en 50 ans par le travail des technologistes

Je suis fière de ma profession et j’essaie d’en être une excellente ambassadrice.

 

 

Quel message aimeriez-vous transmettre aux jeunes qui envisagent une carrière comme technologiste médical? Et que diriez-vous à ceux qui ne connaissent pas encore l’importance de cette profession?

 

C’est une carrière riche en découvertes qui nous enrichit et nous permet de faire le lien entre le bien-être du patient et les analyses que nous réalisons quotidiennement.

 

Vous êtes également impliquée comme inspectrice de l’Ordre. Qu’est-ce que cet engagement supplémentaire a représenté pour vous et comment cela a-t-il enrichi votre perception de la profession?

Cette implication allait de soi pour moi dès le début. Dans mon centre hospitalier, tous les collègues étaient membres de l’Ordre, par fierté pour la profession et pour l’importance de la faire évoluer vers une adhésion obligatoire. Oui, c’était déjà un enjeu à l’époque. Et au Comité d’inspection, que de discussions à ce sujet!

Au début des années 80, les laboratoires n’étaient pas structurés comme aujourd’hui. Nous rendions visite à des membres qui disposaient de peu de ressources et qui, souvent, étaient laissés à eux-mêmes. Pour eux, ces visites représentaient une occasion de faire avancer les choses et d’exiger le respect des normes. Ce n’était pas un succès à chaque fois; certaines organisations voyaient ces démarches d’un mauvais œil. Il y en a même une qui nous a refusé l’accès.

En étant bien outillés, grâce aux guides et aux normes, nous avons progressivement aidé les laboratoires à cheminer vers l’excellence, tout en soutenant la mise en œuvre des meilleures pratiques. Notamment, l’Ordre a été un pionnier en matière d’identification positive de l’usager avant toute intervention. À l’époque, ce concept n’était pas appliqué ailleurs dans les hôpitaux, mais il est maintenant devenu une obligation. Nous pouvons être fiers de cette réalisation.

Cette responsabilité m’a également permis de contribuer à la qualité des soins, un élément central de la satisfaction et de la fierté que je ressens dans mon métier.

 

Après 50 ans de carrière, comment décririez-vous l’évolution de votre passion pour la profession et votre regard sur cette incroyable longévité?

Je garde l’émerveillement du début ainsi que ma soif d’apprendre et de découvrir toutes ces nouvelles technologies. Je m’interroge sur le pourquoi de ces nouvelles analyses, je me documente sur le sujet et, surtout, j’ai la chance de partager avec les technologistes médicaux lors de mes visites d’inspection.

L’échange avec les autres T.M. est la clé de ma longévité, car pour moi, l’humain derrière le technologiste est tout aussi important que le technologiste lui-même.